» Quel animal, de la bonté divine
A reçu plus que moi de signes éclatants ?
Je sillonne l'eau des étangs,
Je m'élève dans l'air, sur terre je chemine.
Hors le feu, des quatre éléments
On pourrait me nommer la reine,
Disait une Oie ; et de mes chants
Je rendrais quelquefois jalouse une Sirène.»
— Toi seule, réplique un Serpent
Qui près d'elle arrive en rampant ;
Des belles qualités dont je te vois si fière
Fais un étalage si grand ;
C'est montrer trop d'orgueil, ma chère ;
A ta juste valeur, moi, je vais l'estimer,
Et dusses-tu ne pas m'aimer,
Ce qui m'affligerait, il faut que je le dise,
Je veux parler avec franchise.
Lorsque tes pattes fendent l'eau,
Nages-tu comme le Barbeau ?
Quand tu vas explorer quelques mètres de terre,
Cours-tu comme le Daim ou la Biche légère ?
Au vol oses-tu défier
Une Hirondelle, un Épervier ?
Non ! non ! Quant à ta voix, chaque son qu'elle donne
Est aussi faux que monotone ;
Et nul cri n'est, je le soutien,
Plus insipide que le tien.
Vois donc à quels affronts ta vanité t'expose.
Tel croit primer en tout et ne domine en rien ;
Le mérite, sache le bien,
Est d'exceller en quelque chose. »