La Chenille et le Ver-à-soie Simon Pagès (17ème siècle)

Après avoir sillonné la laitue,
Ou persillé les feuilles d'un prunier,
La chenille, toute repue,
Fuyant le pied du jardinier,
Vint grimper le long d'un mûrier.
« Eh quoi ! dit-elle au ver-a-soie,
Qu'elle trouva rongeant sa verdoyante proie,
Toujours vivre exposée aux traits
De cette humaine race!
Ne pourrai-je faire jamais
La plus légère trace
Dessus le plus chétif des choux,
Sans que j¢ voie et l'épouse et l'époux,
Ou plutôt toute la famille,
Poursuivre la pauvre chenille ?
Ici, l'un veut des dieux m'attirer le courroux
Par une fervente prière ;
La, cet autre ennemi déclame contre nous,
Et tout, jusqu'au marmot, vient-nous jeter la pierre !
Vous avez bien un autre sort!
Et tandis que je suis exposée à la mort,
Ou bien l'effroi de la nature,
La soigneuse beauté cueille votre pâture,
Et compte sur sa main les plis de votre corps. »
— Ne vous étonnez pas, répond le ver—a-soie,
Si vous souffrez quand je suis dans la joie ;
C'est que, selon ses besoins,
L'homme refuse ou prodigue ses soins.
Ma sœur, ma scieur, soyez utile :
Selon lui, vous serez un aimable reptile.

Livre II, Fable 5




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