Après avoir sillonné la laitue,
Ou persillé les feuilles d'un prunier,
La chenille, toute repue,
Fuyant le pied du jardinier,
Vint grimper le long d'un mûrier.
« Eh quoi ! dit-elle au ver-a-soie,
Qu'elle trouva rongeant sa verdoyante proie,
Toujours vivre exposée aux traits
De cette humaine race!
Ne pourrai-je faire jamais
La plus légère trace
Dessus le plus chétif des choux,
Sans que j¢ voie et l'épouse et l'époux,
Ou plutôt toute la famille,
Poursuivre la pauvre chenille ?
Ici, l'un veut des dieux m'attirer le courroux
Par une fervente prière ;
La, cet autre ennemi déclame contre nous,
Et tout, jusqu'au marmot, vient-nous jeter la pierre !
Vous avez bien un autre sort!
Et tandis que je suis exposée à la mort,
Ou bien l'effroi de la nature,
La soigneuse beauté cueille votre pâture,
Et compte sur sa main les plis de votre corps. »
— Ne vous étonnez pas, répond le ver—a-soie,
Si vous souffrez quand je suis dans la joie ;
C'est que, selon ses besoins,
L'homme refuse ou prodigue ses soins.
Ma sœur, ma scieur, soyez utile :
Selon lui, vous serez un aimable reptile.