Le Ver à soie et l'Escargot Étienne Gosse (1773 - 1834)

L’artiste industrieux, cet habile ouvrier,
Honneur de la nature,
Qui, privé de sommeil, privé de nourriture,
N’existe que pour travailler ;
Le ver que nourrit le mûrier,
Cédait a son instinct, et faisait avec joie
Sa dernière œuvre et son tombeau de soie.
Auprès de lui l’escargot fainéant,
Toujours caché dans sa maison humide.
Et dont la vie imite le néant,
A travailler jamais ne se décide;
Et sur le ver laborieux,
Chaque fois qu’il jette les yeux,
Il le retrouve occupé sans relâche ;
Jamais il n’a fini sa tâche.
« Que fais-tu, lui dit-il, et d’où vient tant d’ardeur?
Sans prendre aucun repos tu travailles sans cesse :
Quel sera donc le prix de ton labeur ?
Faut-il par tant de soins hâter notre vieillesse?
Vois ces fleurs, vois ce pré qu’agitent les zéphirs ;
Viens ronger avec moi son herbe rajeunie;
Sans plus te fatiguer viens goûter les plaisirs
Qu’un doux repos répand sur notre vie. »
Tandis qu’un paresseux lui tenait ce discours,
Le ver filait, filait toujours.
Pour l’exhorter pourtant a plus de vigilance,
Il lui dit : « Les soins que je prends
Auront bientôt leur récompense ;
Et mes pareils, ces obscurs tisserands,
Jouiront a les yeux d’une noble existence.
A de brillants destins les dieux m’ont consacré ;
Bientôt tu me verras quitter le sol humide,
Et de plumes blanches paré,
Je ne ramperai plus et serai chrysalide.
Epoux et père tour à tour,
Je n’abandonnerai le terrestre séjour,
Qu’en léguant mes secrets à ma chère famille. »
Cette réponse, où tant de vertu brille,
Ne charma point l’indolent idiot.
En secouant la tête, et sans répondre un mot,
Le paresseux rentra dans sa coquille.
Le monde n’est rempli que de ces êtres froids,
Du talent qu’ils n’ont pas censeurs trop maladroits;
Gardons-nous de les croire :
Le travail est toujours le chemin de la gloire.

Livre IV, fable 7




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