Prés d’une mare infecte , une oie
Disait , en se gonflant d’une orgueilleuse joie :
« Sous la voute des cieux est-il un animal
Que la nature à mon égal
Ait comblé de ses dons ? Les autres en partage
N’ont qu’un seul élément, l'eau, la terre ou les airs ;
Pour moi, réunissant leurs attributs divers,
Je marche, je vole, je nage. »
Disant ces mots, elle se dandinait,
Se rengorgeait , se pavanait
Et se donnait un port de reine,
Un vieux coq l'entendit : « Ne fais pas tant la vaine,
Ma commère, dit-il; toi qui, d’un ton si fier,
Proclames tes talents, essaie un peu dans l’air
De suivre l'hirondelle, ou le chien dans la plaine,
Ou la carpe qui fuit sous l'humide cristal,
Mais ce serait perdre ta peine :
Ta marches mal, nages mal, voles mal,
Et l’on te sifflerait dans ton triple domaine,
Toi qui des éléments te crois la souveraine. »

Savoir un peu de tout n'est rien ;
Il vaut mieux savoir peu, mais bien.

Livre I, Fable 3, 1856




Commentaires