L'Araignée et le Ver-à-Soie Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Chacun à son métier donne la préference.
Tous, jusqu’aux plus vils artisans,
Font parade de leur science :
Mais quel arbitre entr’eux pourra régler les rangs ?
Cet arbitre fera la Fable :
Par un jugement équitable
Elle a plus d'une fois mis fin aux différends.

A quoi ton industrie est-elle destinée,
Disait au Ver-à-soie une jeune Araignée ?
Peux-tu me la vanter ? est-ce un emploi si beau,
Que de n'être occupé qu’à se faire un tombeau ?
Je file comme toi, mais de ma toile ourdie
Je fais une maison, où je demeure en paix.
Là, je tends des filets à la Mouche étourdie,
Qui vient se prendre dans mes rets,
Cesse de vanter ton ouvrage,
Répond l'Insecte intelligent :
Le mien que tu méprifes tane
A sur le tien maint avantage.
De ce tombeau, vil à tes yeux,
Tu me verras bientôt renaitre.
Je prendrai mon effor, avec un nouvel étre,
Plus brillant et plus glotieux.
Mon travail aux humains est d’ailleurs très utile
Ils savent l'employer au mieux :
On s'en fert à la cour ; on s’en sert a la ville
Pour les habits et les ameublements.
Mais à quoi peut servir cette toile fragile,
Que tu viens fabriquer. dans les appartemens ?
Comme elle n’est d'aucun usage,.
Dès qu’on la voit on la détruit,
On te harcelle, on te poursuit,
On te fait déloger sans bruit,
Et tu perds ton vain étalage.
L'Insecte, à mon avis, raisonnait de bon sens
La seule utilité met le prix aux talents.

Livre I, fable 4


Au delà des arguments, tout ceci n'est qu'une guerre d'égo...

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