Les deux Voyageurs égarés Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Errants dans un bois solitaire,
Deux Voyageurs sortis de la voie ordinaire
Se trouvaient en grand embarras.
L’un deux, plus prudent et plus sage,
Dit à son compagnon : Retournons sur nos pas,
Nous pourrons regagner le plus prochain village.
Non, c’est perdre, dit l'autre et sa peine et son temps.
Hé, ne voyez-vous pas cette route fleurie ?
Sans doute elle aboutit à quelque métairie :
C’est mon plus court et je la prends.
Chacun donc, séparé, de son côté chemine.
Mais où conduit ce sentier plein de fleurs ?
Il mène droit à la chaumine.
D'une brigade de voleurs.
Notre pauvre égaré, trop plein de confiance,
Reconnait enfin le danger
Où l’a jeté son imprudence ;
Mais trop tard pour s’en dégager.
Qu'arriva-t-il ? Sa bourse fut saisies :
Trop heureux de sauver sa vie.

Toujours sous un appas flatteur,
La volupté riante, enchantreresse,
Cache à nos yeux séduits les pièges qu’elle dresse :
Pour nous surprendre notre cœur :
Qui veut parer les traits dont la cruelle blesse,
Doit résister à sa fausse douceur.
Ecoutez cet avis, trop facile jeunesse :
Gardez-vous d’imiter l'imprudent Voyageur.
Plus d’un chemin fleuri cache un piège trompeur.

Livre I, fable 5




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