Un Ruisseau peu profond, au pied d'une colline,
Déployait les contours de son onde argentine.
Tout le long de ses bords de grands Arbres croissaient,
Protégeant son-cristal de leur épais ombrage.
Ils lui firent un jour sentir en ce langage
Le service qu'ils lui rendaient :
Conviens, petit Ruisseau, que ta nymphe timide
Agissait prudemment, lorsque sous notre égide
Elle vint abriter ses eaux.
Tranquille désormais sous nos riants berceaux,
Nous la garantissons d'une perte rapide,
Car, sans nos rameaux bienfaisants,
Du soleil les rayons cuisants
Auraient séché ta source et borné ta carrière,
Et ton lit, où depuis longtemps
Le voyageur se désaltère,
N'offrirait qu'un lit de poussière,
Parsemé d'arides cailloux.
Je ne conteste pas ce que je tiens de vous,
Murmura le Ruisseau, montrez même franchise ;
Si vous comptez les maux desquels vous me sauvez,
Apprenez, puisqu'il faut qu'ici je vous les dise,
Les bienfaits que vous me devez.
La terre auprès de moi, par mes flots rafraîchie,
A vos pieds humectés provoque, à tout instant
Cette sève, qui va portant
Jusqu'à votre sommet la verdure et la vie ;
Et ce même soleil," qui sécherait mon cours,
Avancerait aussi les jours
Où de vos feuilles desséchées
Mes deux rives seraient jonchées.
Ainsi, vous le voyez, nos destins sont communs ;
Par des reproches importuns,
Gardons-nous de peser mes bienfaits et les vôtres.
Eh ! ne se faut-il pas aider les uns les autres ?
Obliger chaque fois qu'on en a le pouvair,
Sans se faire prier, sans se faire valoir,
C'est la dette de tout le monde.
Vivons en bons voisins, puisque notre bonheur
Sur nos dons mutuels se fonde,
Et. bénissons le Créateur,
Qui, pour charmer notre existence,
A permis qu'ici-bas l'on pût être lié
Par les douceurs de l'amitié,
Par les trésors dé l'obligeance.