Un Arbre des pays lointains,
Transplanté, par hasard, en un bois de la France,
Essuyait, chaque jour, la froide répugnance
De tous les Arbres, ses voisins.
On eût dit que blesses de voir une autre race,
Ils dédaignaient d'unir leurs rameaux avec lui,
Et comme un malfaiteur je crois qu'ils l'auraient fui,
Si tout Arbre, à son gré, pouvait changer de place.
Le réprouvé leur dit : Votre injuste courroux
Afflige un étranger presque semblable à vous,
Et qui iie peut en rien vous porter préjudice.
Vous ne voyez sur moi poison ni maléfice ;
L'oiseau gazouille tendrement
A l'abri de mon vert feuillage ;
La bergère, sous mon ombrage,
Assise auprès de son amant,
Goûte en. paix les faveurs de la saison nouvelle.
Plus tard j lorsque l'hiver près du foyer rappelle
Le maître de ce bois, aucune exception
Ne vient pour me soustraire* aux coups de sa cognée ;
Je livre comme vous à sa provision
Ma branche utile et résignée.
Pourquoi donc en ces lieux, dont vous êtes jaloux,
Ne pouvair me souffrir sans de vives alarmes ?
La terre a des sucs pour nous tous,
Le soleil des rayons, et l'aurore des larmes !
Allons, mes chers voisins, connaissez votre erreur ;
De la tendre amitié partageons les doux charmes ;
Et n'oublions jamais qu'aux yeux du Créateur,
Quel que soit leur pays, leur forme, leur couleur,
Qu'ils aient eu des destins rigoureux ou prospères,
Aux mêmes lois, soumis, tous les Arbres sont frères.
Les Arbres, éclairés par ce simple discours,
Approuvé dans le bois comme assez raisonnable.
D'une amitié vive, durable,
Au nouveau compagnon s'unirent pour toujours.
On vit régner chez eux l'estime, la concorde ;
Loin des froids préjugés chacun vécut content.
Ah Dieu ! mes bons amis-, que le ciel nous accorde
De pouvair tous en faire autant !