Chez nos aïeux, à qui Dieu fasse paix,
Un astrologue était un meuble nécessaire.
Sans son avis on ne pouvait rien faire.
La raison commandait ; il reste encore un mais ;
Qu’est-ce que l’astrologue augure de l’affaire ?
Voulait-on bâtir, voyager,
Vendre, aller faire des emplettes,
Se marier ou se purger ?
Il vous fallait surtout le visa des planètes.
Tout astrologue était prisé son pesant d’or,
Idiot préjugé, qui n’exceptait personne !
L’homme est si sot, que je m’étonne
Que la mode n’en dure encor.
Un grand seigneur ami du jardinage,
Avait des arbres à planter.
Son prédiseur qu’il s’en va consulter,
Fait son thème, étudie, et trouve pour l’ouvrage
Les célestes aspects dont il faut profiter.
Allons, dit le docteur, qu’on plante tout à l’heure ;
Le ciel ne veut ni délai, ni demeure ;
Si l’on tarde un moment, ces arbres sont perdus.
Pour l’influence bienfaisante
Je ne compte qu’une heure au plus
Soudain on obéît, on plante ;
En moins de rien voilà nos arbres en état,
Munis d’un bon certificat.
Ils devaient atteindre un grand âge ;
Grêle, pluie et vents en courroux,
Main d’homme n’y pourrait causer aucun dommage ;
Le ciel les protégeait envers et contre tous.
À quelques jours de ce plantage,
Le seigneur prend un nouveau jardinier.
Le plan ne lui plut pas ; il arracha l’ouvrage
Qui selon lui n’eut pu fructifier.
Quand le seigneur le vit ; ah malheureux, ah traître !
Qu’as-tu fait là, dit-il au déplanteur ?
Ces arbres auraient fait le plaisir de ton maître.
Mon astrologue en ce point grand docteur,
Avait pour les planter pris l’instant bienfaiteur,
Où tout le sénat planétaire
M’était garant du succès de l’affaire.
Tout beau, dit le manant, à tort vous vous fâchez ;
Je n’entends-rien, monsieur, à votre dialogue :
Mais vos arbres sont arrachés :
L’instant ne valait rien ; battez votre astrologue.

Livre IV, fable 11






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