Les Arbres et les Pots de Fleurs Ulric Guttinguer (1787 - 1866)

Bien encaissés, serrés par un grillage,
Deux Rosiers, trois touffes d’œillets ,
Un Jasmin et quatre Genêts ,
Sur le bord d’un sixième étage,
D’un vieux rentier formaient le paysage ;
Ils végétaient, grâces à l’arrosoir
Dont monsieur Bonardin venait, matin et soir,
Rafraîchir leur triste feuillage;
Du reste, placés près des deux,
Ils n’avaient rien au-dessus d’eux !...
(Je connais plus d’un personnage
Qu’un tel sort rendrait envieux !)
Vous jugez si nos gens en perdirent la tête !
De temps en temps leur grandeur satisfaite,
Jetait les yeux sur le riant jardin
D’un grand hôtel qu’ils avaient pour voisin.
« Qu’est-ce que ma vue incertaine
Découvre donc là-bas ? s’écriait le Jasmin…
A mes pieds ?… — C’est un Chêne !… —
Et cet autre ?…—Un Ormeau.— Dites que c’est un nain !
Qu’ils sont petits ! vraiment, c’est à grand peine
Si je les vois ! Je les plains de bon cœur :
Être petit, c’est un si grand malheur ! »
Chacun faisait chorus, lorsqu’une planche usée,
Cédant au poids de nos géants,
Les voilà tous de la croisée
L’un sur l’autre dégringolant
Jusque sur le des des passants.
Dans le ruisseau vint expirer leur gloire,
Si ce n’est pourtant qu’un journal
Sur cet événement fatal
Broda la plus touchante histoire.

De nos vaniteux confondus
Un passant dit, en voyant les ruines :
« Être placé bien haut n’est qu’un danger de plus,
Quand nous n’avons pas de racines ! »

Fable 18




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