Un petit roi légitime,
Et partant d'ancien régime,
Avec amertume un jour,
Se plaignait devant sa cour,
De ces gens à l'âme fière
A l'indépendant appui,
Dont jamais la tête altière,
Ne se courbait devant lui.
Ce sont, répondait la masse,
De tous les hommes en place,
Autre espèce que le vent,
Rend plus à craindre souvent ;
Ce sont fauteurs d'anarchie,
Apôtres d'égalité,
Qui livrent la monarchie
Aux coups de la liberté.
Nombreuse et funeste engeance,
Et vrai gibier de potence,
A murer dans un cachot,
A brûler sur l'échaffaud.
Gardez-vous de céder à ces conseils de haine,
Dit un sage à ce petit roi.
Et jusqu'en la forêt prochaine,
Sire, avant tout, suivez-moi.
Voyez ces arbres dont la cime,
Depuis mille ans s'élance dans les airs,
A leur valeur votre sagesse estime,
Et leurs corps et leur rameaux verts ;
Comme on fait de l'ormeau flexible,
Quelle main pourrait les courber ?
Sous la hache du temps, on les verra tomber,
Mais plier ; non, c'est impossible.
Eh bien ! ces fiers géants dont le superbe front,
Sous les efforts du vent même jamais ne rompt,
Des gens qui vous portent ombrage,
Croyez-moi, sire, ils sont l'image.
Ainsi que ces vieux troncs, qui par de lents progrès,
Deviennent sans plier, l'honneur de vos forêts ;
Ainsi ces hommes de génie,
Incapables de félonie,
Forts par l'étude et grands par le combat,
Sont, en restant debout, la gloire d'un état.