L'Enfant et les Arbres de Chèvremont Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Jacques, petit gars de sept ans,
Vif, joyeux et bavard comme on l'est à cet âge,
A Chèvremont, un beau jour de printemps,
S'en allait en pélerinage
Avec son grand-papa qu'il tenait par la main,
Croquant tout le long du chemin
Tantôt des noix, tantôt des pommes :
« Est-ce que bientôt nous y sommes ?
Dis donc, demandait-il. — Oui, mon ami, bientôt,
Répondait le papa ; regarde, c'est là-haut
Où tu vois ce massifd'arbres. -Bah ! c'est pour rire :
À la Vierge on a mis ces petits arbres-là !
Passe encor des pareils à ce grand que voilà ;
C'est bien drôle, mafoi ! » - Le vieux le laisse dire :
Quelques noix qu'il lui donne à croquer là-dessus
Font qu'aux arbres bientôt Jacques ne pense plus.
Enfin de Chèvremont ils ont gravi la roche :
Alors Jacques d'ouvrir ses grands yeux ébahis :
Ces tilleuls, que de loin il voyait si petits,
Sont des géants dès qu'il est proche.
Le vieillard à l'enfant se hâte d'expliquer
D'où vient ce changement qui cause sa surprise,
Et le petit de sa méprise
Est le premier à se moquer.

Dans cet enfant, je vois l'homme qui te méprise,
Religion sublime : aperçue au lointain,
Tu sembles n'être rien à son regard hautain ;
Mais qu'un rayon d'en haut, perçant sa nuit obscure,
Vienne lui dévoiler tes célestes attraits,
Oh ! comme alors tu vas grandissant à mesure
Qu'il te découvre de plus près !

Livre I, fable 12




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