LA ROSE
Aujourd'hui mai commence et l'enfant qui m'arrose,
Bien vermeille, bien fraîche éclose,
À la Mère de Dieu, ce matin, doit m'offrir.
Tantôt tu le verras tout joyeux accourir
Abeille, va plus loin picorer, je t'en prie,
Que je puisse, un seul jour, à l'autel de Marie,
Avec tout mon parfum m'exhaler... puis mourir !
L'ABEILLE
Chaque instant de ma vie est une offrande à celle
Qui du bon cœur entend le plus secret soupir :
A ma tâche sainte fidèle,
Je n'ai fait, cette nuit, qu'un moment m'assoupir,
Pour commencer, dès l'aube, à butiner pour elle.
LA ROSE
De ce beau zèle il faut t'aller vanter ailleurs :
Eh ! que fais-tu, dis-moi, pour la Madone ? Écoute.
L'ABEILLE
Rose, personne encor ne t'aura dit, sans doute,
Que les sucs odorants que me donnent les fleurs
Sont, grâce à mes travaux, transformés en beaux cierges
Qui, pieux symboles d'amour,
Vont se consumer, chaque jour,
Aux pieds de la Reine des Vierges.
Tu vas voir comme brille, à l'éclat de leur feu,
Le front de l'aimable Madone !
De ton parfum donne-moi donc un peu
Pour l'amour d'elle !...
L'ENFANT, QUI ÉCOUTAIT, SE MONTRANT
Oui, ma Rose, allons, donne...
LA ROSE, ATTENDRIE
De tout mon cœur ; je le veux bien :
(Réfléchissant)
Si j'y perds, la Madone, après tout, n'y perd rien.
L'ENFANT
J'allais le dire ; et puis, ma chère,
Ta modestie et ta bonté
Toucheront plus l'auguste mère
Que le plus doux parfum de ta fleur éphémère,
Et tout l'éclat de sa beauté.