L'avenir, quoique très obscur,
Vers lui sans cesse attire l'^âme
Et l'appas d'un plaisir futur
Séduit la jeunesse et l'enflamme ;
Enfin on demande à vieillir,
Hélas ! Quelle étrange folie !
On sent de quel prix est la vie,
Quand il n'est plus tems d'en jouir.
Un Rosier n'avait que deux Roses,
Et par de différentes causes.
Dont je ne rendrai pas raison,
L'une était toute épanouie,
Et l'autre n'était qu'un. Bouton,
Un jour celle-ci par envie,
Disait, quoi ! n'aurai-je jamais
Le bonheur de ma sœur aînée !
Son droit d'aînesse a pour moi mille attraits :
Elle goûte une destinée
Si douce que mon fort paraît des plus affreux ;
Fleurie, elle est indépendante,
On n'oppose rien à ses vœux,
Elle désire, on la contente ;
Mais pour moi si je dis, je veux,
Au même instant on me fait taire.
Je ne crois pas qu'il soit Plante sur terre
Plus à plaindre que moi. Sur ce raisonnement,
Tendre Bouton, souffrez que je réplique,
Dit un Quidam ; injustement
Vous vous plaignez, ce qui vous pique
Devrait faire votre bonheur :
Apprenez de moi qu'une Fleur,
Si tôt qu'elle est épanouie,
Petit à petit se flétrit ;
Au lieu que le Bouton toujours se fortifie
Et de plus en plus embellit.
ENVOI
De cette courte allégorie,
Jeune C***, écoutez la leçon :
Vous êtes ce tendre Bouton,
Et votre Sœur est la Rose fleurie.