Un jeune et bel enfant jouait dans la prairie ;
Tout à coup, dans l'herbe fleurie,
Il distingue un objet qui bondit lourdement.
Horreur ! c'est un crapaud ! Voilà mon garnement
Qui, sans savoir pourquoi, s'enflamme de furie :
Il saisit une pierre et manque l'animal.
- Je ne t'ai jamais fait de mal,
Lui dit d'un ton de doléance
Le pauvre monstre sans défense.
Je suis le destructeur des insectes impurs,
Fléaux de ta récolte et de tes raisins mûrs.
Les crapauds, poursuivis par des haines cruelles,
Devraient être sacrés comme les hirondelles.
Enfant, au nom de ta beauté
Et des caresses de ta mère,
Ne jette pas une autre pierre,
Et du ciel qui t'a fait imite la bonté.
L'enfant était léger, mais son âme était tendre,
Il ne savait quel parti prendre.
Pauvre crapaud, dit-il. – N'importe, il est affreux,
Puis on dit qu'il est venimeux.
J'en ai pitié, tuons-le vite.
Puis, les larmes aux yeux, il meurtrit cependant
Le triste animal, qui palpite
Et qui meurt en le regardant.
Souvent la crédule innocence
Est cruelle en frappant ce qui choque ses yeux,
Et les crimes les plus nombreux
Sont les crimes de l'ignorance.
Symbole 4 :
La plus funeste de toutes les passions c’est la haine.
Pas la loi du mouvement équilibré, tout ce que vous repoussez avec violence reviendra sur vous avec violence et vous reversera.
Posons en principe absolu que toute haine est injuste.
Même la haine de la laideur, même la haine du mal, car le mal et la laideur sont toujours relatifs, ils ne sont jamais absolus.
Le mal et la laideur peuvent et doivent inspirer de l’aversion. L’aversion n’est pas la haine.
Par l’aversion on se préserve du mal ; par la haine on entre en conflit avec lui : or le conflit est une lutte, la lutte est un embrasement.
Celui que vous pousserez vous poussera, celui que vous frappez vous frappera, celui que vous haïssez vous occupe et vous saisira.
Si par haine aveugle vous tuez un crapaud, l’âme astrale du crapaud entrera en ennemie dans votre lumière astrale.
Tuer une mouche par cruauté c’est un meurtre dont notre âme doit porter la peine.
Nous devons une mouche à l’inexorable nature. Pouvons-nous la lui rendre ?
Savons-nous seulement quels ressorts nous avons brisées, quel monde de merveilles nous avons anéanti, et quels ravages cet acte de stupide barbarie a faits dans notre intelligence et dans notre sensibilité ?
Quand nous blessons la nature, nous nous blessons nous-mêmes. Elle nous donne le droit de nous défendre contre les parasites qui nous attaquent, mais rien au delà.
Tuer un être inoffensif parce qu’il est laid, c’est une lâcheté.
Qu’est-ce donc si cet être inoffensif est en même temps un être utile ?
Plût au ciel que l’homme pût accomplir à la lettre le commandement de Dieu, si absolu dans sa forme : Tu ne tueras point !
Je ne passe jamais devant une boucherie sans que mon cœur se soulève. Ces quartiers de cadavres sur des nappes tachées de sang, cette odeur de meurtre, ces hommes aux bras rouges et armés de couteaux sont d’abominables sauvageries. Espérons que la boucherie se cachera lorsqu’on supprimera l’échafaud.