Le Bonze et le Chinois Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Un vieux bonze un jour s'enivra,
Et le voilà sur une place,
Chantant, se dandinant et faisant la grimace,
Tirant la langue, et cætera.
Un chinois qui passait alors se prend à rire ;
Et le vieux bonze de lui dire :
- Va-t'en monstre d'impiété,
Ou prépare ton âme au sort le plus sinistre.
Non content d'insulter à ma caducité,
Tu te moques du ciel dont je suis le ministre.
- Halte-là ! répond le rieur,
Et ne confonds pas le prêtre et le buveur ;
Ce n'est pas la vertu qui te rougit la trogne.
Crois-tu donc en buvant griser les immortels ?
Ne puis-je respecter les dieux et leurs autels,
Et me moquer d'un vieil ivrogne !

Livre II, fable 5


Symbole 5 :

L’empereur Constantin disait : Si je voyais un prêtre commettre une action honteuse, j’étendrais ma pourpre sur lui pour le cacher.
C’est un mauvais moyen, car ce voile de pourpre le ferait remarquer davantage.
Mais dans le prêtre il y a deux choses bien distinctes : le ministre de Dieu et l’homme.
Le ministre de Dieu est impeccable ; mais l’homme est d’autant plus fragile que ses obligations sont plus sévères.
Le sacerdoce imposé à l’humanité, c’est un curé à califourchon sur un âne.
Quand un scandale arrive, ce n’est pas le curé qui fait le mal, c’est l’âne qui s’échappe.
Était-ce donc à cet âne que Constantin voulait faire les honneurs de son manteau impérial ?
Les prêtres, dit-on, ont fait la Saint-Barthélemy. Non, ce ne sont pas les prêtres, ce sont les hommes et de méchants hommes.
Les prêtres agissant comme tels se fussent interposés entre les victimes et les bourreaux.
C’est comme si vous disiez que la philosophie, la raison et l’humanité ont fait les massacres de septembre.
Respect aux prêtres, justice et pitié aux hommes !


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