Cadet Roussel à trois cheveux qu'il met en tresse,
Un peu plus en a le Chinois
Dans ses nattes du dos, et bien plus la Négresse ;
Quel est le plus heureux des trois ?
Allons le demander aux Chinois, aux Négresses.
Nous n'avons pour cela qu'à faire un grand voyage
Dans les pays de l'Equateur
Où jacassent, riants, les bons Teints de cirage,
Où tout Chinois est blanchisseur,
Où premiers au second donnent beaucoup d'ouvrage.
Car c'est un fait constant, de remarque très digne :
Négresse tient à linge blanc,
Comme au rose et au bleu blondes au teint de cygne,
Au jaune brune au teint ardent,
Et le choix des couleurs du bon goût est le signe.
Une Négresse donc, de blanc tout habillée,
Vient chercher chez le blanchisseur
Sa robe de gala bien raide et empesée,
Et voyant John de bonne humeur,
Se met à le blaguer sur sa natte tressée :
« Pas malin I ché ami ! li pédez temps énome
A tesser longs cheveux à li,
Égadez-moi, cheveux fisés commode en somme,
Bientôt fait pou se mette au lit ! »
« Ah ! ah ! » répondit John « ôtez-moi donc ce casque
En madras de riche couleur,
Que je contemple un peu les beaux cheveux qu'il masque.
Ils sont frisés à faire peur ! »
Le Chinois peu galant porta sa patte jaune
Dans la coiffure de gala,
Et mit au jour deux bouts de tresse ; la matrone,
Prise en défaut, net se fâcha.
Elle avait essayé, la Négresse coquette,
De natter ses cheveux en crins,
Et pointaient vers le ciel, cachés sous sa casquette,
Deux très jolis petits boudins.
Sautant sur John furieuse, elle saisit sa tresse
Et la lui détacha d'un coup ;
Car Fils du Ciel, aussi coquet que la Négresse,
Portait faux cheveux sur son cou !
Et de là je conclus que celui que l'on chante
Est dans le vrai, le bon enfant !
Il n'a que trois cheveux, pourtant il s'en contente :
Combien pourraient en dire autant !