A bord d'un paquebot revenant d'Amérique
Se lièrent deux animaux :
L'un n'était qu'un vulgaire animal domestique,
L'ami choyé des matelots,
Un Chien terrier faisant aux rats du bord la chasse,
L'autre un Racoun, singe ou renard,
Je ne sais pas au juste en quel genre on le classe,
Mais en tout cas un fier roublard.
« Fi ! que c'est laid ! » disait à son ami vorace,
Le Racoun, gourmet délicat ;
« Vous vous précipitez sur n'importe qui passe,
Quêtant la desserte des plats :
Gâteaux, rosbif, poisson, et les plus sales choses
Disparaissent d'un coup de dent.
Je suis plus raffiné; tout ne sent pas les roses
A votre bord, et franchement
Si je n'avais pour moi ce beau baquet d'eau claire,
Pour laver tous mes aliments
Avant de les goûter, je ferais maigre chère ! »
« Parfait ! à votre aise, l'ami !
Pour un enfant des bois vous êtes dissicile ;
Vous ne faites rien à demi
Trempez ! lavez ! vous êtes plus tranquille,
Mais vous perdez beaucoup de temps.
Moi, j'aime mieux bâfrer ! Justement voici l'heure
Où passagers du bâtiment
Sortent de leur repas, et ce n'est pas un leurre
Que d'espérer bon coup de dent. »
La troupe des dîneurs s'amusait d'habitude
Des façons de maître renard,
Quand de ses mains de singe il commençait l'étude
Des morceaux jetés au hasard,
Tournant et retournant, et lavant à l'eau claire
Ces mets la plupart inconnus,
Pendant que le terrier, connaissant son affaire.
Goulûment se jetait dessus.
Or ce jour-là, parmi toute la victuaille,
Les deux amis prirent d'assaut,
Racoun un peu de sucre, et Chien, vaille que vaille
Pour sa, part un os de gigot :
Dans l'eau fondit le sucre en faisant la baignade,
Dans le gosier du chien l'os en travers se mit,
Et vous voyez comment, pour chaque camarade,
Sa gourmandise le punit.
Par racoun, il faut lire le mot anglais racoon qui désigne un raton laveur.