Bête à bon Dieu, ma Coccinelle !
Sur un brin d'herbe, avec effort,
Déploie au vent ta petite aile,
Sous son élytre rouge et or.
Voici venir troupe rieuse
D'enfants courant parmi les prés,
Cache-toi bien, deviens peureuse,
Ils sont savants et trop lettrés.
Ils ont vu la si belle image
Sur les murs, au chemin de fer,
Ordonnant partout le carnage
D'insecte, dont tu m'as tout l'air,
Dévorant les pommes de terre
Avec un appétit glouton,
Envahissant toute la terre
S'il n'était mis à la raison.
Ministre de l'agriculture
A rédigé de beaux décrets,
On en a fait la portraiture,
Et te ressemble traits pour traits
Doryphora ; ma Coccinelle !
Bête à bon Dieu qui n'en peux mais,
Déploie au vent ta petite aile,
Les enfants deviendront mauvais.
Ils n'admireront plus ta robe
Rouge avec de jolis ronds noirs :
On leur a montré sur le globe
Le point où monstre a son terroir
Le Colorado ; mais personne
N'est allé voir là : j'en reviens
Et, ma parole je vous donne !
Pour fables tout cela je tiens.
Doryphora ni tubercule
Ne se voient dans ces durs terrains ;
On y fait des travaux d'Hercule,.
Mais ce sont travaux souterrains.
Bête à bon Dieu ! pourtant prends garde,
Gare à la loi des suspects :
D'un mauvais œil on te regarde
Et trop souvent des bons les méchants ont l'aspect.