Vous le connaissez, le petit macaque,
Grimaçant juché sur l'orgue criard,
Habillé de rouge, avec plume au claque
Qu'il ôte et remet d'un air goguenard ?
Ce n'est pas de lui que parle ma fable,
Un comédien, il serait menteur ;
Cherchons dans les bois singe véritable,
Écoutons les cris du Singe hurleur.
Lorsque le soleil a cessé de luire,
Que toute clarté disparaît soudain,
Près de l'équateur, c'est fini de rire
Dans les bois profonds jusques au matin.
Plus d'appels joyeux des oiseaux étranges :
Aras, perroquets, aux tons si criards
Volant deux à deux, toucans en phalanges
Au bec rutilant comme des pochards ;
Ne roucoule plus la palombe verte,
Et ne glousse plus l'orgueilleux dindon,
Et le colibri dans fleur entr'ouverte
Se pose endormi comme un papillon.
Un autre concert aussitôt commence :
Un grand cri plaintif donne le signal ;
Les Singes hurleurs vont entrer en danse
Et toute la nuit faire bacchanal.
Et ce sont des voix de basse profonde,
Des voix en fausset de singes moutards,
Chacun expliquant sans doute à la ronde
Pour le lendemain ses projets pillards :
Sur quel champ de canne ou quelle rizière
Sur quels cocotiers ils devront porter
L'effort de la bande, en quelle manière
Leur butin du jour va se partager.
Quand le tapage est à son apogée,
Pareil à celui que font les humains
Dans leurs parlements, la lutte engagée
Entre tous ces cris s'apaise soudain.
Un seul ouah ! plus fort, un ouah ! de vrai maître
Impose silence à chaque braillard,
C'est le Singe-roi qui se fait connaître,
Il est obéi, sans être bavard.
Et toujours on voit les bétes aux hommes,
Quand on les comprend, donner des leçons ;
Nous hurlons aussi, bêtes que nous sommes,
Mais jamais aux chefs nous n'obéissons !