Le Lion et le Singe Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Un Roi des animaux, fameux par mille exploits,
Ami de la vertu, mais sur tout de la gloire,
Alexandre de nom et d'effet, dit l'histoire,
Permit que du plus grand des Rois,
Gille-Appelle transmis les traits à la mémoire.
L'Alexandre des animaux
N'inspira point le Peintre, ainsi qu'il est d'usage ;
Car bien qu'il eût du goût, il croyait, en Roi sage,
Que les artistes, les vassaux,
Quand il s'agissait d'arts, en avaient davantage.
Gille, dans cette occasion,
Consulta les sujets, en peintre de génie :
Quelle était de leur Roi la plus belle action ?
La plus belle, à leurs yeux, ou la plus applaudie ?
Tous les avis considérés,
Gille représenta le Roi donnant la vie
Au rat, qui de son trou sortant à l'étourdie,
Se trouvait par malheur sous les ongles sacrés.
Ce chef-d'œuvre enchantait les juges éclairés,
Le peuple l'admira ; la cour en fut émue.
Le Roi ne le fut point ; il détourna la vue.
Et comme Gille était habile observateur,
Il comprit, non pas sans frayeur,
Qu'Alexandre Lion jugeait que pour sa gloire,
On aurait pu choisir un autre trait d'histoire.
Il se remet à l'atelier,
Fait un nouveau portrait différent du premier :
Ici, le Roi Lion, hérissant sa crinière,
Au tigre rugissant fait mordre la poissière.
Le Monarque sourit : J'ignore si c'est moi ;
Mais, à ces traits, dit-il, on reconnaît un Roi.

Livre I, fable 9




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