Le Lion, le Singe et le Renard Fortuné Nancey (? - 1860)

Un lion, la terreur de tout le voisinage,
Semant partout le meurtre et le carnage,
Sévissant sur ses grands vassaux,
Comme sur le menu taillable et corvéable,
Exigeait pour tribut, que chacun à sa table,
Qu'il fallait chaque jour pourvoir de mets nouveaux,
Apportât à ses frais, fins et friands morceaux ;
Et sa force brutale en tous lieux redoutable,
Le rendait sur ce point sévère, inexorable.
Mais après bon repas, quelquefois on s'endort,
Si l'on n'a près de soi joyeuse compagnie ;
Malgré le juste effroi qu'inspirait son abord,
Notre lion avait, ou besoin, ou manie,
De se faire amuser, soit par quelques récits,
Soit par quelques bons tours d'adresse.
Le singe par des sauts, assez bien réussis,
Et lé renard par maint trait de finesse,
Eurent le don de le charmer ;
Si bien, comme avec tant d'empire,
Que tout manquait à ce beau sire,
S'ils ne l'étaient là pour l'animer.
Nos deux gaillards ne purent s'y méprendre,
Pour leur fortune et leur ambition
Ils osèrent tout entreprendre.
Leurs avis prévalaient en toute occasion,
Ils étaient à la fin plus rois que le lion.

Par sa force, par ses prouesses,
Sur le petit, si le grand règne un jour ;
De l'un sur l'autre hélas ! triste retour !
Comme au petit par ses faiblesses
Le grand se livre à son tour !

Livre II, fable 18




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