Le Singe à la Cour Jean-Jacques Boisard (1744 - 1833)

Le Singe fut admis à la cour du Lion ;
En quelle qualité, besoin n'est de le dire ;
En qualité de Singe ; il devait faire rire.
Son talent lui valut l'office de bouffon.
Il avait ce qu'il faut pour remplir cette place,
Peu d'esprit et beaucoup d'audace.
Seigneur Ours, très-méchant danseur,
Se présentant un jour d'assez mauvaise grâce,
Gille pour débuter copia Monseigneur ;
D'après nature il rendit sa grimace.
Seigneur Ours à la cour n'avait aucun emploi,
Que celui d'ennuyer de tems en tems le Roi ;
On en rit. Dom Baudet vint faire une harangue
Qui partagea tous les avis.
Tous les sots admiraient, et tous les bons esprits
Maudissaient l'orateur. Pour exercer sa langue
Gille eut beau champ ; du Papelard
Il imita d'abord la sotte contenance,
Puis ses éclats de voix et son courroux braillard ;
Puis d'un ton cas et nasillard
Il prit congé de l'assistance.
On berna Dom Baudet, et Gille s'applaudit.
Mais une plus grave personne,
Le Général de la Couronne,
L'Éléphant, grand guerrier plutôt que bel esprit,
Usa d'un terme impropre ; et Gille sans scrupule
Glosa sur l'Éléphant : chacun rêve à part soi ;
Le rieur rit tout seul. Le Roi lui dit : tais-toi,
Gille ; apprends qu'un Héros n'est jamais ridicule.

Livre I, fable 25




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