Orphée et le Singe savant Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Orphée un jour chantait ; des animaux divers
Le suivaient, attirés par sa voix fière et tendre ;
Les pins déracinés se mouvaient pour l'entendre ;
Il remuait le ciel, la terre et les enfers.
Il célébrait celui qui marche sur la nue,
Qui sur un trône d'or domine l'étendue,
Qui sous son pied vainqueur abaisse le destin,
Et touche de son doigt les portes du matin.
Les animaux ravis l'écoutèrent encore
Longtemps après qu'il eut fini.
Puis un singe, docte pécore,
Adressant la parole au cercle réuni :
- Savez-vous, dans ce chant, dit-il, ce que j'admire ?
Eliphas Lévi – Fables et Symboles
C'est l'éloge du singe. Il dit que l'univers
Soumet ses fruits dorés à notre auguste empire ;
D'arbre en arbre emportés, nous volons dans les airs ;
Sous nos pieds passent les nuages ;
Nos bras sont bien plus longs que ceux de l'homme ; enfin
Les fruits prennent pour nous les couleurs du matin,
Et du poète ici je comprends les images.
Mais, voyez combien l'homme est fatalement né
Sous ce dôme céleste à la charpente bleue !
Ce poète, au hasard par sa verve entraîné,
Mais par sa forme étroitement borné,
N'a pas parlé de notre queue !

C'est ainsi que parfois un critique insolent
Mesure le génie et traite le talent.

Livre III, fable 3




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