Le Singe qui se peint Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Dans l'atelier d'un peintre florentin
Demeurait un vieux Singe, et, suivant l'ordinaire,
Ce Singe, appelé Fagotin,
S'amusait à tout contrefaire.
À l'instar de son maître il peignait donc parfois,
Le regardant même comme un confrère.
Or de son grotesque minois
Le fat esquisse un jour une ébauche légère.
L'essai fut trop heureux : c'était lui trait
Jugez combien il était laid.
- Fi ! dit-il, est-ce là ma mine, pour trait.
Mon geste, mon maintien, et mon œil vif et noir,
Et ma peau douce comme hermine ?
Non : de par les dieux ! je devine
Que la faute en est au miroir :
Peignons-nous d'après notre idée,
De peur de quelque affront nouveau. —
Il reprend alors le pinceau :
De son front aplati la peau jaune et ridée
Devient sous ses couleurs une très fine peau ;
Le contour gracieux d'une bouche vermeille
A remplacé son baroque museau ;
L'œil est grand, et le regard beau ;
Une boucle flottante ombrage son oreille
Enfin, l'impertinent magot,
Mons Fagotin a fait une merveille
D'un minois digne de Calot.

A voir certaine espèce autre part qu'à Florence,
Cette fable n'est pas si fable que l'on pense.

Livre VIII, fable 4




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