Pasiphaé disait à son taureau chéri :
- Que ton poitrail est blanc ! que tes cornes sont belles !
Viens, je veux te montrer un herbage fleuri ;
Je te couronnerai des fleurs les plus nouvelles.
Tourne vers moi tes yeux si puissants et si doux :
Ils ont l'éclat touchant de la lune naissante.
J'aime ta grande voix tendrement mugissante,
Je suis reine et je viens te servir à genoux.
Que ton cou vigoureux vers mes baisers se penche.
Viens, je suis belle aussi comme Europe la blanche,
Qu'un taureau comme toi, mais plus facile amant,
Emporta vierge encor sur l'abîme écumant.
Aime-moi. Jupiter amoureux des mortelles,
Embellis sa beauté de tes formes plus belles.
Faut-il pour te séduire adjurer les enfers ?
Veux-tu que de mes cris je remplisse les airs ?
Où trouver une voix, un chant qui te fléchisse ?
- Femme, dit le taureau sans détourner les yeux,
Tu ne mugis pas mal, mais j'aimerai bien mieux
Le beuglement d'une génisse.
N'en déplaise aux rêveurs, tout amour n'est pas beau :
L'amour nous rend pareils à ce qui nous attache.
Lorsqu'on aime une vache, il faut être un taureau ;
Lorsqu'on aime un taureau, l'on doit être une vache.