Le taureau et le Cheval Valéry Derbigny (1780 - 1862)

En voyant un coursier, jeune et de noble race,
Indompté comme lui, comme lui vigoureux,
Monté par un enfant tout fier de son audace,
Un Taureau s'écriait : « Quel affront douloureux !
Quelle honte pour nous ! j'en demeure immobile.
Quoi ! permettre qu'un frein ! quoi ! souffrir cet orgueil !
S'il s'en prenait à moi, vous verriez quel accueil
Je saurais réserver à cette main débile !
Non, je ne conçois rien à l'allure docile,
À la mollesse du cheval. »

— « Pour moi, je la comprends, dit le noble animal,
L'honneur brille à mes yeux, mais d'une autre manière.
Le jeu de cet enfant, insouciant, léger,
Dont la jeune valeur s'essaie à ma crinière,
Me plaît, et son élan semble me présager
Qu'avec lui, quelque jour, fidèle à sa bannière,
A quelque grand dessein je me verrai lié,
Et, loin d'en être humilié,
Fier du rang qui m'attend dans son brillant cortège,
Je ne sais quel instinct m'absout et le protège.
J'aime sa noble ardeur et son air triomphant
Jusqu'à lui pardonner sa facile victoire ;

Non, je ne mettrai point ma gloire
A jeter par terre un enfant. »

Livre III, Fable 11




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