Sa majesté lionne un jour devint clémente.
La clémence est, dit-on, l'apanage des rois :
Pourquoi les lions quelquefois
N'auraient-ils pas l'âme indulgente ?
Le nôtre s'ennuyait. Il trouve au coin d'un bois
Un pauvre petit chien, qui se couche et qui tremble.
Le roi daigne le caresser ;
Puis il le prend sans le blesser,
L'emporte, et les voilà qui font ménage ensemble.
Le lion nourrissait grassement son ami ;
L'autre courait, jappait, sautait, faisait merveille,
Et même allait parfois jusqu'à mordre l'oreille
De son protecteur endormi.
Le lion réveillé l'écartait sans colère ;
Qui ne sait rien souffrir ne sut jamais aimer.
Et le monarque débonnaire
Par tendresse et pitié se laissait désarmer.
Le roquet supposa qu'il manquait de courage ;
Il revient à la charge, il s'acharne avec rage,
De l'oreille royale il entame la peau.
A travers les rochers ainsi la goutte d'eau
Finit par se frayer passage.
Le lion n'ose pas rugir,
Sa dignité blessée est contrainte à se taire ;
Mais il cède la place à son faible adversaire,
Et fuit pour ne plus revenir.
Maintenant de notre morale
Chacun de nos héros aura sa part égale :
Roquets, n'insultez pas les lions endormis ;
Lions, ne prenez pas les roquets pour amis.