Le Lion, le Tigre et l'Éléphant Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Le lion contre un tigre avait un jour un procès.
Par-devant l'éléphant la cause fut portée.
Maître lion plaidait avec peu de succès,
Quand le tigre, tirant sa langue ensanglantée,
Fait entendre un long miaulement
Et se met maladroitement
A dénigrer son adversaire ;
On veut en vain le faire taire.
- Non, ne l'écoutez pas, dit-il, c'est un voleur,
C'est un insigne malfaiteur !
L'éléphant dit alors : - La cause est entendue ;
C'est à toi que la peine est due,
Tigre sauvage et maladroit :
Je te crois du méfait l'auteur ou le complice.

Lorsqu'on montre sa haine, on abjure son droit,
Et jamais le courroux n'a prouvé la justice.

Livre IV, fable 15


Symbole :

Il ne faut rien vouloir avec emportement ni rien repousser avec violence.
Le calme est le secret de la force, parce que c’est le principe efficient de l’équilibre.
Pour triompher du serpent, il faut s’approcher doucement de lui sans colère et sans peur, et lui mettre hardiment le pied sur la tête.
Nous avons dit que le serpent représente la force vitale universelle et le grand agent magique.
Il ne faut pas briser les obstacles, il faut les surmonter et les franchir.
Notre médiateur plastique est comme une clef qui se fausse dès qu’elle est forcée. Les excès d’étude rendent incapable d’étudier. Les expériences magnétiques faites avec contention dérèglent l’instrument de précision de notre âme.
Lorsqu’on provoque l’extase, on devient visionnaire d’abord, puis épileptique ou aliéné.
La réaction fatale et inévitable d’un amour aveugle, c’est une haine sauvage et insensée.
On n’aime jamais le vrai bien avec passion, on ne hait jamais le mal avec fureur.
Tout ce qu’on aime avec passion est l’objet d’une convoitise ; tout ce qu’on repousse avec emportement est quelque chose qui blesse notre cupidité ou notre orgueil.
Nos ennemis sont forts de notre haine. Le seul moyen de les rendre impuissants à nous nuire, c’est de les aimer.
L’amour de nos ennemis est le plus fort de tous les amours, parce qu’il est le plus désintéressé, et par conséquent le plus calme.
Celui qui hait se hait ; celui qui frappe se frappe ; celui qui maudit se maudit ; celui qui se brise se brise.
L’âme du méchant est éternellement dévorée par les monstres qu’elle enfante.
Un sentiment de haine ou d’envie est une vipère qu’on réchauffe et qu’on nourrit dans son cœur.
Les mauvais sentiments prennent souvent les formes hideuses qui leur correspondent, et poursuivent le criminel dans ses hallucinations et dans ses rêves.
La folie incurable est toujours la conséquence et la suite d’un péché mortel contre la justice. La raison meurt d’un péché mortel comme le corps d’un coup mortel.
In malevolam animam non habitabit sapienta, dit Salomon. Ce qui veut dire : La raison ne partagera jamais la demeure de la haine.
Quoi que vous ait fait votre frère, si vous le haïssez, vous avez tort, et c’est vous qui êtes coupable envers lui.


Commentaires