Un tigre, un vrai tyran, sanguinaire, implacable,
Haï, mais craint de ses sujets,
Connu par son audace et ses vastes projeta,
Était un prince formidable.
Le despote avait pour voisin
Un lion de haute espérance,
Fameux par sa valeur, fameux par sa clémence,
Et ne donnant jamais une parole en vain.
Tout-à-coup voilà que la guerre
S’allume entre ces potentats.
Le lion, possédant de bien moindres états
Que son redoutable adversaire,
Comptait sous ses drapeaux beaucoup moins de soldats.
Le tigre commandait à des guerriers terribles,
Et jusqu’alors réputés invincibles.
A périr pour leur roi les lions résolus,
Poussèrent à l’excès leur sublime courage,
Et les tigres furent vaincus.
Le vainqueur généreux arrêta le carnage.
Le plus faible en ce jour triompha du plus fort.
Pensez-vous que ce fut un caprice du sort ?
Non, non ; voici la cause et n’en cherchez point d’autre ;
On aimait l’un, on craignait l’autre.