Le Lion, le Sanglier et le Chien Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Dans la cage de fer d'une ménagerie,
On voyait un lion avec un sanglier,
Auxquels on avait joint un petit chien terrier.
Tous trois venaient, dit-on, du fond de l'Algérie;
On les avait ensemble mis
Lorsqu'ils étaient encor petits.
Le lion, oubliant tous ses goûts sanguinaires,
Dans ses deux compagnons ne voyait que des frères;
Mais cependant, un jour, on 113 sait trop pourquoi,
S'apercevant qu'il était roi,
Il lève fièrement la tête,
Et dans le même instant s'apprête
A tourmenter un peu le pauvre sanglier.
Il le presse aussitôt sous ses griffes d'acier.
Comme on peut le penser, le sanglier tempête
Et bientôt se met à crier :
« Au secours ! au secours ! le lion m'assassine ! »
Le chien voyant cela vers le lion bondit,
Ne cesse d'aboyer pour demander répit
En faveur du vaincu qui faisait triste mine !
Ses cris sonnèrent mail Le lion furieux
S'écria qu'il allait mettre fin à ces jeux ;
Puis sans avoir pitié de son ami d'enfance
Qu'il savait être sans défense,
Il vous déchire en moins de rien
Son ancien favori, le brave petit chien.
Puis sur le sanglier détournant sa colère,
Sans le moindre remords, bien vite il le lacère !
Et cette triste fin nous dit :

A fréquenter les grands, voilà ce que l'on gagne,
Causez-leur le moindre dépit ;
Adieu faveur, adieu crédit,
Adieu vos châteaux en Espagne !

Livre I, Fable 14, 1856




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