On dit que le tonnerre épargne le laurier ;
Car le sang qui nourrit cet arbre de la guerre,
Plus haut que l'ouragan parfois semble crier
Et paye en s'exhalant un tribut au tonnerre.
Mais le proverbe est imposteur ;
La gloire trop souvent ne peut se faire absoudre,
Et si l'on consacrait aux autels du malheur
Les lauriers frappés de la foudre,
Jamais, de ces autels ne s'éteindrait le feu.
Or, un jour que grondait la colère de Dieu,
Porté rapidement sur le char de la nue,
Le tonnerre avec bruit traversait l'étendue ;
Un laurier le rencontre et dit : - Roi des fléaux,
Epargne en ton chemin mes branches immortelles,
Epargne mes nobles rameaux
Aux feuilles si vertes, si belles,
Qui gardent les noms de vieillir !...
- Oui, dit le clairon des nuages,
Et, triomphant de mes orages,
Prométhée ira les cueillir.
Tous deux soyons d'intelligence,
Car le tout-puissant Jupiter
Par nous, diversement, accomplit sa vengeance.
Tu fleuris sur la terre et j'éclate dans l'air,
Je reprends aux mortels les biens que tu leur donnes ;
Je sais leur faire peur, et tu sais les tromper ;
Moi, je les avertis souvent sans les frapper,
Mais toi, tu les endors, puis tu les empoisonnes.