Nous habitons tous deux les mêmes régions,
Disait le Tonnerre au Nuage ;
Mais t'égaler à moi ! quelle audace ! Voyons :
De grossières vapeurs tu n'es qu'un assemblage
Toujours errant parmi les airs ;
Le moindre vent te chasse, un rien peut te dissoudre,
Et tu ne fais d'ailleurs qu'obscurcir l'univers.
Moi, je marche entouré d'éclairs ;
Au loin je puis lancer les éclats de la foudre ;
C'est peu de renverser les pins audacieux,
Des monts qui menacent les cieux
Je fais avec fracas crouler la cime altière ;
J'ébranle les palais jusqu'en leurs fondements ;
J'embrase les cités de mes feux dévorants ;
Enfin, dévastateur de la nature entière,
La terreur me devance, et le trépas me suit.
Voilà quels grands effets le Tonnerre produit ;
Mais toi... Moi, répond le Nuage,
Je ne parlerai point avec tant d'étalage :
Je hais l'orgueil ; je crains le bruit,
Et surtout celui du Tonnerre :
Mais lorsqu'un vent léger m'abaisse vers la terre,
Je vois le laboureur en rendre grâce aux dieux ;
Ma rosée a bientôt fécondé ses campagnes ;
Abondance et joie, en tous lieux,
Voilà mes deux seules compagnes.
Encore un mot, seigneur, et je ne dis plus rien :
Quand on est placé haut, c'est pour faire le bien.