Quand le Chantre divin des montagnes de Thrace
Aux accords de sa lyre, aux accents de sa voix,
Tirait hommes, lions, loups et tigres des bois,
Et les entraînait sur sa trace,
Pour auditeur très attentif
On dit aussi qu'il eut un Singe alors célèbre
Depuis le Strymon jusqu'à l'Hèbre,
Par son talent imitatif.
Après qu'Orphée à son passage
Eut tout civilisé dans ce canton sauvage,
Voilà mon adroit Sapajou
Qui d'un bâton courbé prétend faire une lyre,
Le pince en grimaçant, et du bruit qu'il en tire
Croit que tout animal est fou.
Tournant les yeux, penchant le cou,
Comme le demi-dieu dans son profond délire,
C'est moi qui suis Orphée, ose-t-il enfin dire.
Toi ! lui répondit un Renard :
De ton art prétendu fais un peu moins trophée :
Grimacer, copier, singer n'est pas un art :
Nature, en nous douant, te donna pour ta part
D'être Singe, et non pas Orphée.