Pauvre petit oiseau battu par la tempête,
Tu ne peux d'un coup d'aile ainsi que la mouette
Lutter contre le vent,
Ni sur les flots comme elle aller à la dérive,
Et ton vol est heurté, pauvre petite Grive,
Jouet de l'ouragan !
Et la terre est bien loin, et la mer est immense !
Mais tu voles plus fort, reprise d'espérance :
Tu vois un bâtiment ;
Tu t'abats, pantelante, aux vergues de misaine,
Espérant que l'esquif vers le port te ramène,
Poussé par un bon vent.
Mais, ô terreur ! déjà la place est envahie ;
Un féroce ennemi longtemps l'a poursuivie ;
Un Faucon pèlerin
Erre aussi sur la mer, effrayante vigie,
Porté par la bourrasque, et du sort l'ironie
En a fait ton voisin.
Cependant, ne crains rien, sa serre frémissante
Sur le bois du vaisseau s'incruste d'épouvante,
Et son bec de chasseur,
Son bec crochu, dompté par l'effet de la houle,
N'a plus de cris affreux, mais tendrement roucoule :
« Faisons la paix, ma sœur ? »
Spectacle curieux ! Le bourreau, la victime,
Aile à aile serrés, paraissent deux intimes.
Telle était leur frayeur
Qu'un mousse put grimper jusques à leur refuge
Sans les faire envoler ; il les prit, et l'on juge
S'il fut content, cet oiseleur !
La même cage alors abrita ces deux hôtes,
Et pendant quelques jours vécurent côte à côte
La Grive et le Faucon ;
Mais arrivant au port, à peine sur la terre
Le Faucon au gros bec, à la puissante serre,
Croqua son compagnon :
Un instant le péril fait taire la rancune,
Faibles et forts peuvent paraître unis,
Mais c'est avec les dents vouloir prendre la lune,
Que croire aux serments de nos ennemis.