Sur le bord d'un ruisseau, Cerbère, énorme chien,
Aperçut une belle grive
Qui n'était pas très-loin ; il bondit vers la rive
Et saisit l'oiseau bel et bien,
Lui disant en fureur : « J'ai l'appétit féroce :
Maintenant je te tiens, tu n'échapperas pas,
Et tu vas me fournir un assez bon repas ;
Oui, mon ventre à l'instant va devenir ta fosse.
La grive se mourait de peur ;
Mais, par un grand effort, surmontant sa frayeur,
Elle fit en ces mots humblement sa requête
A la terrible bête :
« Mes fils sont seuls au nid, laissez-moi les revoir ;
C'est moi qui les nourris, moi qui suis leur espoir.
Ce n'est pas pour moi que je tremble,
Mais si vous me tuez, que vont-ils devenir ?
La faim, la soif, le froid, sur eux fondront ensemble ;
Sans moi, bientôt ils vont mourir ! »
Le chien, en l'écoutant, se mit à réfléchir
Autant que le peut une bête,
Et trouva ce discours si beau
Qu'il maîtrisa sa faim et, détournant la tête,
Lâcha le pauvre oiseau,
Qui, parlant de ses fils dans son humble requête,
Avait su l'attendrir,
Et la grive à son nid put de nouveau courir.
Il n'est rien d'aussi beau que l'amour d'une mère ;
C'est un spectacle si touchant,
Que même le cœur du méchant
Ne saurait résister à sa douce prière.