Par dépit, par humeur, et peut-être pour rien,
Un Aveugle se mît à quereller son Chien.
Maudit mâtin que je déteste,
Que gagné-je en te nourrissant ?
Glouton ! quinteux fainéant !
Hargneux ! poltron, et le reste !
Car, nombrer tes défauts ! tu les rassembles tous ;
Peux-tu faire un seul pas, sans faire une sottise ?
Dans le chemin, où tu vas à la guise,
Où l’on nous prendrait pour des fous,
Devant mes pieds, toujours quelques cailloux ;
Devant mon nez, une branche de houx ;
Traversons-nous quelque village,
Contre les passants tu fais rage,
Tu prends querelle avec tout le canton ;
Tu mords un chien, tu happes la poularde ;
On crie haro sur le glouton :
Mes jambes sont la sauvegarde ;
J’attrape les coups de bâton.
C’en est trop. A ces mots, notre aveugle en colère
Envoya son Chien à Pluton.
Il se lève, privé de son guide ordinaire,
Comptant marcher d’un pas bien sûr,
Il donna du nez contre un mur.
Le Chien ne fit pas seul son lugubre voyage,
Il trouve en son chemin un autre personnage ;
C’était un Vizir africain.
Qu’un despote aveuglé par un excès de rage
Avait député du rivage
D’où nous tirons le maroquin.