La Poule aveugle Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Une Poule perdit les yeux :
On manda vite un Oculiste
Et sûrement le plus fameux ;
Mais contre un accident si triste
Il ne peut rien, si ce n'est discourir ;
C'est le tic de nos Hippocrate
Habiles à parler, un peu moins pour guérir.
La bonne bête, avec ses pattes,
(On parle de la Poule et non du Médecin,)
Grattait toujours la terre et la grattait en vain ;
Une autre poule, alerte et clairvoyante,
Mais de qui les ergots étaient fort délicats
Marchait à ses côtés, la suivait pas à pas,
Profitant du travail de la pauvre impotente.
Dans le meilleur fumier en vain elle fouillait :
Elle en tirait le grain et l'autre l'avalait.
J'avois un but ; ma fable y mène.
La Poule aveugle est le compilateur ;
Sa compagne c'est vous, avide Rédacteur,
Qui vivez du fruit de sa peine.

Livre III, fable 19




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