Le goupil (c’est ainsi qu’on nommait un renard
Au bon vieux temps de Charlemagne):
Illustre et docte Foncemagne,
Oracle unique à cet égard.
Dis-nous si je bats la campagne.
Qu’après tout je la batte ou non,
Autant que je puis m’y connaître,
C’est de sa queue et de son nom
Que dérive et que vient peut-être
L’outil appelé goupillon.
Mais que cela soit, ou puisse être,
Que ce soit folie ou raison,
Qu’importe ? pourvu que la boule
Aille son train, s’avance, roule,
Et vienne au but. Un renard donc,
Malavisé, s’il en fut onc,
Dans sa gueule, à pas lents, emportait une poule,
Et gagnait son terrier par des lieux creux et bas,
La tenant bien aux dents, mais ne les serrant pas;
Rendant ses allures très douces,
De crainte qu’aux moindres secousses
La poule, par ses cris et le signalement,
Ne mît des chiens, dans le moment,
La maréchaussée à ses, trousses.
La poule cependant, pieds, ventre et bec en haut,
Et prête à finir bientôt,
Roulait, en fine femelle,
Et trouva dans sa cervelle
Un bon tour pour s’évader :
Ah, mon Dieu, le beau temps! comme il est bleu! dit-elle.
L’agréable soleil ! que sa lumière est belle !
Quel plaisir de le regarder!
Le renard curieux lève un moment la vue.
Le soleil du tabac produit le prompt effet;
Il hausse et baisse l’œil, sa narine remue.
Et ne sachant plus ce qu’il fait
A gueule ouverte il éternue.
La géline l’attendait là:
Libre, et se moquant du jocrisse,
Sur un arbre elle s’envola,
En lui criant : Dieu vous bénisse!
La curiosité faisant perdre le temps,
Et tendant ses filets à la sottise humaine,
De pertes en pertes nous mène,
Et mal en prend à bien des gens.