Le Cochon de lait et le Charlatan Alexis Piron (1689 - 1773)

Du petit quadrupède, encore jeune et tendre,
Dont, quand il est rôti, Ton dit, vive la peau!
Ou du cochon de lait, pour mieux me faire entendre,
Un farceur du Pont-Neuf, le nez sous le manteau,
Contrefaisait le cri d’un ton à s’y méprendre.
La canaille disait : Bravo! bravo! bravo!
Un drôle seul osa, sans craindre le haro,
Dire, s’il s’en mêlait, qu’il saurait mieux s’y prendre.
On vous le traita d’apoco.
Il gage, indique un jour : on promet de s’y rendre.
Le jour venu, voilà mes deux rivaux
Sur la sellette et les tréteaux,
Mis dans la balance fatale De leur juge au nez levé,
Parterre prononçant debout sur le pavé,
Où le désœuvrement l’installe.
Des deux le premier se signale,
Non sans avoir pour lui, suivant le nouveau train,
Ameuté sourdement la brigue et la cabale.
Aussi commence-t-il à peine, que soudain,
La tourbe aveuglément des mains se met à battre,
Et frappe les échos du faubourg Saint-Germain.
Un brouhaha plus long eût pu faire à la fin
Prendre le mors aux dents au cheval d’Henri quatre.
Lors, la tête levée, et hors du capuchon :
A toi,Gille, dit-il; voyons de tes merveilles.
Il faisait froid : et Gille au fond d’un gros manchon,
Le nez dessus, cachait un vif petit cochon.
Il lui pince la peau, lui tire les oreilles,
Lui fait pousser sur le bon ton
De hauts cris à percer la nue :
Peine perdue.
Où plaît le faux, le vrai n’est rien.
A l’école ! à l’école ! on le siffle, on le hue :
On l’appelle un cochon lui-même. Gens de bien ,
Dit-il à la noble assemblée,
Et montrant son garant pendu par un lien :
Tenez, n’opinez plus d’emblée,
Voilà votre juge et le mien.

Que de faibles génies,
De débiles cerveaux,
Et de francs étourneaux,
Plus bruyants que des pies,
Dépriment les travaux
Des vrais originaux,
Et prônent des copies !





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