Toi, dont les immortels pinceaux
Rendent trait pour trait la nature,
Et font de tes brillants tableaux
Les chefs-d’œuvre de la peinture,
Oudry, pour un moment quitte ces animaux,
A qui, lorsqu’il te plait, ton art donne la vie,
Et jette un œil d’ami sur cette rêverie
Que vient d’enfanter mon repos.
Le Sage quelquefois à ses nobles travaux,
Doit mêler un peu de folie.
Le livre que tu m’as prêté,
Sans me l’avoir trop fait attendre,
Du récit que tu vas entendre
M’a fourni la moralité.
Pour réchauffer ses tristes lares,
Qui grélotaient dans leur foyer,
Un jour, un riche métayer,
Dont les mains n’étaient point avares,
Mit deux grosses bûches au feu,
L’une de chêne humide, et l’autre de bois neuf ;
Sur celle-ci, le soufflet eut à peine
Agité l’air par sa pressante haleine,
Qu’on vit la flamme tout à coup,
Gagner de l’un à l’autre bout.
Et récréer par sa chaleur subite,
Les Pénates transis & le maître du gîte.
L’autre au contraire, au lieu de s’enflammer,
Noircit sous le soufflet qui cherche à l’animer.
Une épaisse fumée absorbe les bluettes,
Qu’on tâche à grands coups de pincettes,
De faire sortir de son sein :
On la tourne cent fois, ou y perd son latin.
Honteuse de son lambinage,
Sa compagne lui dit : ma chère sœur, pourquoi
Ne pas brûler aussi vite que moi,
Puisque vous êtes faite exprès pour le chauffage ?
Si, lorsqu’on l’exige de vous,
Vous répandiez au loin vos chaleurs bienfaisantes,
Ces mains, dont vous sentez les coups,
Seraientpour vous des mains reconnaissantes,
Et votre sort en serait bien plus doux.
Quand vous vous réduisez en braise,
Vos feux viennent toujours trop tard :
Corrigez-vous, ma sœur, & j’en serai bien aise.
Rendre service à propos est un art,
Dont vous mettez toujours la pratique à l’écart.
Mais sachez, ne vous en déplaise,
Que l’on oblige doublement,
Lorsqu’on oblige promptement.