La Cigale et la Poule Philippe Barbe (1723 - 1792)

J'ai lu dans un vieux Manuscrit
Un trait que la Fontaine a passé sous silence.
Il l'aurait raconté, je pense,
Si par hasard il eût vu cet Ecrit ;
Mais avec bien plus d'élégance,
Que le Lecteur, malgré fon indulgence,
N'en trouvera dans mon récit.

La Cigale mal avisée,
Par la Fourmi justement méprisée
Chez une Poule alla du même pas.
Cette Dame était riche et ne ménageait pas.
O Reine des Oiseaux, lui dit notre emprunteuse,
Ayez pitié d'une sœur malheureuse :
Assistez-moi d'un peu de grain,
Je vous en prie ; hélas ! sans vous je meurs de faim...
Très-volontiers. J'aime à rendre service.
Je fais, en vous aidant, un œuvre de justice.
Prenez ce qu'il vous faut. Voici mon magasin.
La Demoiselle bien contente
Entre au grenier de la Poule obligeante,
Se rassasie. Une fois chaque jour
Depuis ce tems elle lui fait la cour.
Contre Homines et Renards elle peste , elle jure.
Son cœur est donc sensible ? elle a de l'amitié
Pour celle qui par bonté pure
De fon triste fort eut pitié
Serait elle sincère ? Oh non , je vous affure.
Elle attend de nouveaux bienfaits.
Une malheureuse aventure
De l'Oiseau libéral vient à troubler la paix :
L'infecte infidèle et parjure
Fuit et s'envole. Ingrat, fléau de la nature,
Reconnoissez-vous à ces traits.

Livre I, fable 3




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