La Folie et la Raison Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Oh ! combien je te remercie,
Disait un jour à la grave raison
L’aimable et riante Folie !
Je te dois tout… Eh ! comment, je vous prie,
Dit la pédante, en prenant le haut ton !
L’homme n’est vraiment fou, qu’au moment qu’il raisonne,
Reprit l’autre Déesse, avec l’air étourdi ;
C’est, alors qu’il dédaigne un instinct monotone,
Qu’il cherche un plus solide appui ;
Et moi , je m’empare de lui,
Sitôt que l’instinct l’abandonne :
Je le mène où je veux, d’invisibles filets ;
Je sème avec art sa carrière :
Vainement ton flambeau l’éclaire,
Je fais briller mes feux follets ;
Et le voilà qui court après,
En les prenant pour ta lumière.

Livre III, fable 20




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