Le Chien de l'Aveugle Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Un lundi, par un froid humide,
Un pauvre aveugle ayant pour guide
Un de ces chiens au corps court et gros, long poil roux,
En patois liégeois dits louloups,
S'en allait, parcourant les abords du Pont- d'Ile :
« Bonnes gens, criait-il, en tendant sa sébille,
Oh ! pitié pour l'aveugle, il priera Dieu pour vous ! »
Je prenais grand plaisir à voir l'aimable bête,
Le doux regard empreint d'un bienveillant souci ;
D'un air méticuleux vers son meilleur ami,
A chaque pas qu'il fait, elle tourne la tête,
Du moindre heurt pour le garer.
Un monsieur, qui s'en est aperçu d'aventure,
Devient tout œil pour l'admirer :
« L'intéressante créature !
Me dit-il : « Oh ! certes, c'est bien
Avec raison qu'on dit le chien
De l'amitié le vrai modèle !
Regardez sur les pas de son guide fidèle,
L'aveugle d'un pied sûr va, vient et ne craint rien
De tout ce fracas de la rue.
Il me touche vraiment, ce petit roquet-là... »
L'âme visiblement émue,
Là-dessus le monsieur s'en va,
Du Café des Divans semblant suivre la route.
Quand plus tard il repassera,
Me suis-je dit, alors ce bon monsieur, sans doute,
A l'ami du chien pensera.

Livre III, fable 1




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