La Tabatière en Aubépine Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Chacun sait que dame nature
Sur le marbre de certains bois,
Comme un enfant, s'amuse à griffonner parfois
Quelqu'ébauche tirant sur l'humaine figure,
Et plus ou moins grotesque. Or, un bon vieux soldat
S'étant d'un tronçon d'aubépine
Fait faire une boîte à tabac,
Voilà-t-il pas qu'il imagine
Voir au couvercle, trait pour trait,
Du cher empereur le portrait !
Alors à tout venant de montrer sa merveille :
<< Oh ! regardez, s'écriait-il,
Que c'est bien lui vu de profil !
Voyez l'œil, voyez le sourcil,
Voyez le nez, voyez l'oreille,
La bouche, le menton, jusqu'au petit chapeau !
Oh ! voyez donc !.. » On avait beau
Dessus la boîte nom pareille
Braquer ses deux grands yeux, chercher de ci de là ;
Le vieux bonhomme seul y voyait tout cela.
Son amour de soldat lui donnait la berlue. -

J'en sais d'aussi drôles plusieurs
Qui ne sont pas vieux soldats, mais rimeurs.
L'un d'eux hier me gobe au milieu de la rue :
« Bien à propos, mon cher, je te rencontre ici,
Me dit-il ; il me faut te lire
Quelques vers que je viens d'écrire,
Et qui, j'en suis certain... tu verras, les voici. »
Et mon lecteur d'aller, cherchant à chaque rime,
A me prouver que c'est charmant,
Vif, entraînant, nerveux, harmonieux, sublime !
Seul, le pauvre homme y voit tout cela. Cependant
Que faire en pareil cas si ce n'est compliment ?
Car contester... bon Dieu ! que seulement je l'ose :
« Voyez, se dirait-il regardant de travers,
Il sied bien de juger nos vers
A ce petit rimeur de prose. »

Livre II, fable 18




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