Le Buveur repentant Remacle Maréchal (1796 - 1871)

« A quoi pensé-je donc ? » se disait un lundi
Rombaut, qui, de la veille encor tout étourdi,
Trouvait à s'adresser plus d'un juste reproche,
Et constatait d'un ceil chagrin
Que de son petit Saint-Crépin
Plus des trois quarts manquaient à l'appel dans sa poche.
« De tant courir, morbleu ! je me lasse à la fin ;
Vive après tout le père de famille !
Rien n'attache au foyer comme épouse gentille.
Faible comme l'on est, avec sa liberté,
Comment pour ses vieux jours mettre un sou de côté !...
Non, non, j'en veux finir... Jeanne, la messagère,
Ferait, me paraît-il, assez bien mon affaire.
Elle est, dit-on, d'âge un peu mûr ;
Je le crois bien aussi... Mais c'est d'autant plus sûr.
Dès longtemps j'aperçois que la particulière
Me fait en passant les yeux doux :
Sans nous piquer d'être astrologue,
Nous n'avons qu'à vouloir, pour qu'elle soit à nous.... »

Bref, deux mois tout au plus après ce monologue,
Rombaut de Jeanne était l'époux.
Ne boit-il plus depuis qu'il s'est mis en ménage ?
Vas-tu, lecteur, me demander :
Hélas ! bien loin de s'amender,
Le pauvret court et boit le double et davantage.
Et la chose, du reste, aisément se conçoit :
Joyeux conteur de balivernes,
Autrefois par plaisir il courait les tavernes ;
Grâce àJeanne, aujourd'hui c'est de chagrin qu'il boit.
Lecteur (à ma moitié n'en dis rien, je te prie),
A mon avis, Rombaut voulant changer de vie,
Dans le choix du moyen ne fut rien moins qu'adroit.