Quand, en août, des muguets, des jasmins et des roses
Le suc dans nos jardins manque aux filles du ciel
(Je veux dire aux mouches à miel ;
Comme toujours nommons tout simplement les choses,
Dans leurs ruches alors d'une étamine closes,
On sait qu'à Hatrival, Lorcé, Basse-Bodeux
On les voiture prisonnières,
Pour aller butiner durant un mois ou deux
La fleur vivace des bruyères.
C'est, comme on sait également,
Là surtout que nos ouvrières
Font leur compte ! celui de leur maître s'entend,
Qui fin septembre les attend.
« Accourez voir, criait Jean-Blaise,
De la charrette, à leur retour,
Déchargeant et rangeant ses paniers dans sa cour,
Tout ravi d'aise :
Voisin Gille, à coup sûr en voilà qui n'ont pas
A dormir ou flâner passé leur temps là-bas :
Bien ! fameux ! Vivent mes abeilles,
Mes picoreuses sans pareilles ! »
Présent à ce beau compliment,
Lolot, frais petit blond, aux formes rondelettes,
S'apercevant qu'en ce moment
Jean-Blaise allait quérir la boîte aux allumettes,
S'imaginait dans sa candeur
Que, par reconnaissance, en brûlant force bûches,
Le bon vieillard voulait faire autour de ses ruches
Grands feux de joie en leur honneur,
Comme à la Saint-Martin, fête de la paroisse.
Quels ne furent donc pas l'étonnement, l'angoisse
Du généreux et bon petit
Quand il vit
Le monstre, de ses mains cruelles,
Pour prix de leur constant labeur,
Dans du soufre, ô comble d'horreur !
Étouffer ses mouches fidèles !!!
Que telle énormité surprît le pauvre enfant,
C'est tout simple ; il avait l'âge où, las ! j'aimais tant
L'école buissonnière et la maraude aux pommes :
Mais, patience, il vieillira,
Et bien autres choses verra,
S'il continue à vivre au beau siècle où nous sommes,
Et de tout ce que font les hommes,
Alors, non plus que moi, rien ne l'étonnera...