Les Abeilles du Pauvre Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

De son feu créateur qui sait tout rajeunir
La Muse dans mon sein n'a mis qu'une étincelle,
Et pourtant chaque jour de quelque oeuvre nouvelle
J'ose enfler mon recueil, plût à Dieu l'enrichir !
Cette abondance d'où vient-elle ?
De vous, humains. Dans vos cités
En toute saison je moissonne
Exemples et leçons, fécondes vérités.
Mais de ces fruits qu'on m'abandonne,
Qui tomberaient sans moi, je n'ai frustré personne.
Tant s'en faut, je les sauve, et vous en profitez.
En son temps le bonhomme Pierre
Ne posséda qu'un petit bien.
Deux chèvres non sans peine y trouvaient l'entretien.
Pourtant un grand rucher, plus grand que sa chaumière
À souhait chez lui prospérait.
Le voisinage en murmurait.
« Ses mouches de nos fleurs constamment sont nourries.
De quel droit vient-il sans façon
Lever tribut sur nos prairies ?
Et puis il fera gloire encor de sa moisson !
Chez notre percepteur ma cote est assez belle,
Et je n'ai pas besoin d'une charge nouvelle.
Contre cette maraude il nous faut une loi ;
Allez de Saint-Simon me rompre la cervelle ;
Je veux, quand j'ai payé les Chambres et le Roi,
Etre enfin seul maitre chez moi. »
A cela que disait l'Abeille ?
L'Abeille en bourdonnant poursuivait ses travaux,
Récoltant par monts et par vaux,
Sans demander jamais à qui la fleur vermeille,
A qui ce pollen abondant
Butin de ta ruche ou du vent.
Et, l'hiver, quand du nord les haleines barbares
Semaient aux environs angines et catarrhes,
Le pauvre Pierre avec son miel
Sans faire payer l'ordonnance,
Vint guérir les voisins ou calmer leur souffrance.
Il sut même adoucir leur fiel.

Livre XI, fable 12




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