De cet insigne garnement
Je n'ai point achevé l'histoire.
Bientôt de sa malice noire
Il fut puni ; voici comment.
Tout fier de son exploit, et méditant encore
Un nouveau tour de son métier,
Le jeune apprenti flibustier
Voit un riant jardin paré des dons de Flore.
Un clos est attenant, domaine de Cérès,
Avec une chaumière auprès,
Asile fortuné d'un sage anachorète
Qui, dans sa paisible retraite,
Des mets de l'âge d'or vivait à peu de frais.
A l'amour du prochain sacrifiant ses veilles,
Il rendait ses voisins heureux,
Et, nouvel Aristée, entretenait pour eux
Des essaims de jeunes Abeilles.
Sur les confins de son réduit
Le bon Ermite alors bêchait un coin de terre.
L'Écolier en profite ; il se glisse sans bruit
Jusqu'au milieu de son parterre,
Et fait partout main-basse, arrachant fleur et fruit.
Aux Abeilles ensuite il veut livrer la guerre ;
Mais quel objet frappe ses yeux surpris !
Au pied de chaque ruche il lit ces mots écrits :
«O mortel ! c'est pour toi que l'Abeille compose
« Son doux nectar extrait du lis et de la rose ;
Respecte les travaux de ces filles du ciel.
« Laisse la ruche, et prends le miel. »
-Les respecter ! pour quelle cause ?
Dit l'Écolier. Non, non ; j'abattrai leur palais,
Sauf à manger le miel après. -
Déjà donc, pour atteindre au sommet d'une ruche,
Il met pierre sur pierre, il monte, étend les bras ;
Mais son pied glisse, il trébuche,
Et voilà mon sot à bas.
L'alarme au camp devient universelle.
A grand bruit de la citadelle
Un escadron ailé vient à sortir soudain,
Qui fond sur l'agresseur, le pique, et le harcelle.
Le poltron veut fuir ; c'est en vain :
Il heurte en s'agitant une ruche voisine
D'où s'élance un nouvel essaim,
Qui de ses dards le perce, l'assassine,
S'attache à son visage, à ses mains, à son cou,
En un mot le rend presque fou.
Il pousse les hauts cris, jure, trépigne, et peste,
Atteint de cuisantes douleurs.
L'Ermite accourt.... O ciel ! plus de fruits, plus de fleurs !
Il devine aisément le reste.
Tout autre, en pareil cas, de ce désastre affreux
Aurait maudit l'auteur ; mais le bon solitaire
Dans le coupable enfant ne voit qu'un malheureux,
Le plaint, et, lui portant un secours généreux,
Verse sur chaque plaie un baume salutaire.
Cela fait, il lui dit : Corrige-toi, mon fils,
Le règne des méchants, crois-moi, ne dure guère,
Et tôt ou tard ils sont punis :
Mal arrive à qui mal veut faire.