Près d'un jardin garni de superbes pommiers,
Passaient deux jeunes écoliers
Enclins au mal, comme on l'est à cet âge ;
L'un plein de force et de courage,
Ardent, alerte, audacieux ;
L'autre, subtil, astucieux.
« De quel droit le propriétaire,
Dit ce dernier, veut-il pour lui seul conserver
Ces fruits délicieux ? Les produits de la terre
Appartiennent à tous, et se les réserver,
C'est attenter aux droits que donna la nature
A toute humaine créature.
Redressons donc ce tort. Crois-moi, sans plus tarder,
Tandis que du dehors, moi, je vais regarder
Si l'on ne vient pas nous surprendre,
Entre dans le jardin, et hâte-toi de prendre
Autant de fruits que tu pourras :
Puis, par-dessus le mur tu me les jetteras,
Et nous partagerons. » Notre pauvre imbécile
Suit ce conseil ; mais par malheur,
Le jardinier revenu de la ville
Sur l'arbre surprit le voleur,
Et saisissant une lanière,
(D'autres disent un gros bâton)
Vous l'étrilla de la bonne manière.
Durant ce temps, son compagnon,
Le laissant dans le lacs, s'enfuit avec la proie
Dont il sut bien se donner au cœur joie.
Mes amis, soit dit entre nous,
Il arrive souvent, dans le siècle où nous sommes,
Que les uns reçoivent les coups
Quand les autres mangent les pommes,
Et que messieurs les conseilleurs,
Se tenant à l'écart, ne sont pas les payeurs.